l'Economie alg�rienne: le cercle vicieux du p�trole et de la violence

SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS
La crise en Alg�rie, qui dure d�j� depuis dix ans, n'est pas la simple cons�quence de l'interruption des �lections de d�cembre 1991 par un coup d'Etat soutenu par l'arm�e visant � maintenir le Front Islamique du Salut (FIS) � l'�cart du pouvoir. Elle est �galement une crise �conomique. Les m�mes parties qui se sont battues pour le contr�le de l'Etat sont �galement celles qui pillent les ressources du pays.
Les chefs militaires manipulent l'atmosph�re de peur et de violence pour accumuler des fonds, notamment par l'interm�diaire de commissions sur le commerce, qu'ils utilisent pour soutenir un vaste syst�me de parrainage politique qui conforte leur emprise sur le pouvoir. Les islamistes utilisent l'�tat d'urgence pour financer leurs activit�s au travers de l'extorsion et du march� noir. Pendant ce temps, les groupes d'int�r�ts du secteur priv� comme ceux du secteur public s'engouffrent dans les br�ches de la culture officiellement avalis�e de corruption et de profit pour engranger des gains personnels � l'occasion du processus de privatisation et pour s'opposer � une v�ritable concurrence dans des secteurs cl�s comme le b�timent ou l'industrie pharmaceutique. La masse de la population demeure exclue des b�n�fices promis par la lib�ralisation du march�.
Les pressions visant � ouvrir le champ politique et l'�conomie se font plus fortes, mais les autorit�s n'y ont jusqu'� pr�sent pas r�pondu. La poursuite de la violence leur est profitable financi�rement et leur survie d�pend de leur r�ussite � �viter un type de r�glement qui mettrait en danger leur pouvoir politique et �conomique arbitraire. Particuli�rement dans la p�riode actuelle de fermet� internationale face au terrorisme, le r�gime alg�rien a re�u tr�s peu de sollicitations de la part de la communaut� internationale pour n�gocier avec les islamistes, voire � engager une v�ritable r�forme d�mocratique et �conomique.
Paradoxalement, l'Alg�rie n'a jamais �t� en aussi bonne position, en termes macro-�conomiques, pour promouvoir les r�formes structurelle et fiscale que le FMI, parmi d'autres, lui recommande d'adopter depuis des ann�es. M�me au plus fort de la violence dans le nord du pays , le secteur des hydrocarbures du sud du Sahara a continu� � attirer les capitaux des compagnies p�troli�res internationales, compensant ainsi la pauvret� des investissements locaux et �trangers directs dans d'autres secteurs.
Etant donn� que les champs de p�trole du Sahara sont loin des zones peupl�es, les activit�s d'exploration et d'exploitation sont rest�es � l'�cart du conflit, un peu comme s'il s'agissait d'activit�s offshore. La demande de gaz alg�rien par l'Europe du sud a augment� de mani�re substantielle au cours des dix derni�res ann�es, faisant de ce gaz une ressource strat�gique aussi bien pour les voisins europ�ens de l'Alg�rie que pour les autorit�s militaires du pays. Ainsi les gazoducs au d�part de l'Alg�rie fournissent-ils � l'Espagne 75 % de ses besoins en gaz naturel, au Portugal (en passant par l'Espagne) 100 % et � l'Italie 54 %. Ces trois pays � plus la France pour des raisons historiques complexes � ne sont gu�re dispos�s � rompre leurs solides relations avec les autorit�s alg�riennes.
Le tableau macro-�conomique dissimule toutefois une r�alit� micro-�conomique bien plus sombre. Contrairement au secteur des hydrocarbures en pleine expansion et qui g�n�re 97 % des recettes des exportations ext�rieures, l'�conomie int�rieure est en pleine stagnation, sous l'effet d'un manque d'investissements aussi bien dans le secteur priv� que dans le secteur public, avec pour r�sultat un taux de ch�mage avoisinant officiellement les 30 %. Sous l'influence des plans pr�conis�s par le FMI, la Banque Mondiale et l'Union Europ�enne (UE), des milliers d'ouvriers ont �t� licenci�s � la suite de la restructuration des industries en vue de leur privatisation. Mais peu nombreux ont �t� les investisseurs qui ont rachet� des usines de l'industrie lourde, peu performantes et tournant � 40 % environ de leurs capacit�s depuis plus de dix ans. Les investissements publics dans le logement, la sant�, les infrastructures et les transports ont �t� n�glig�s en faveur de l'importation de marchandises de base. L'ouverture du march� � de nouveaux investisseurs, qui, en vertu d'accords avec les institutions financi�res internationales et l'UE, est en cours de pr�paration dans l'optique d'une lib�ralisation totale du commerce d'ici 2012 , est s�v�rement contr�l�e.
Le m�contentement populaire a manifestement grandi depuis le printemps 2001 mais pas, cette fois-ci, � cause de la violence inspir�e par les islamistes. M�me si les islamistes demeurent actifs dans les zones rurales, le cri de ralliement des manifestants de la r�gion berb�re de Kabylie �tait dirig� contre la "hogra" � le peu d'attention et le m�pris avec lesquels les dirigeants de l'Alg�rie r�pondent aux besoins de l'ensemble de la population. Il est de plus en plus manifeste que la poursuite de la violence a en r�alit� renforc� la concentration du pouvoir �conomique et politique dans les mains de l'�lite militaire. Les dirigeants de l'Alg�rie ont aliment� leur propre enrichissement, non seulement pendant la crise de ces dix derni�res ann�es, mais aussi gr�ce � elle. Au lendemain des attaques terroristes du 11 septembre aux Etats-Unis, la communaut� internationale ne peut plus ignorer les exigences de la population alg�rienne d'une participation pleine et enti�re � une �conomie et une d�mocratie stables. Rester aveugle face � la poursuite de la violence dans le pays ne pourrait que re-dynamiser le mouvement de recrutement dans les organisations islamistes radicales. L'absence d'alternatives politiques et �conomiques pourrait �galement renforcer la cause des islamistes. Elle a d�j� encourag� la criminalit� � proximit� des fronti�res sud de l'UE et l'�migration ill�gale vers le Nord, en direction de l'Europe, souvent dans des conditions marqu�es par la violence et le d�sespoir. Alors que les gouvernements occidentaux et les institutions financi�res internationales cherchaient � promouvoir la stabilit�, un r�gime de type mafieux est devenu en lui-m�me un facteur d'instabilit�.
RECOMMANDATIONS
AUX AUTORITES MILITAIRES ALGERIENNES
1. Respecter l'ind�pendance des branches l�gislative et ex�cutive du gouvernement.
AU GOUVERNEMENT ALGERIEN
2. Tenir son engagement de mettre en place un syst�me judiciaire ind�pendant et efficace.
3. Mettre en place des organismes efficaces de consultation entre le gouvernement, le monde du travail et le secteur priv�.
4. Poursuivre la privatisation des entreprises d'Etat tout en mettant parall�lement en place des filets de s�curit� en mati�re d'emploi.
5. Poursuivre la r�forme fiscale, notamment en mati�re d'imposition des particuliers et des soci�t�s.
6. Am�liorer l'acc�s du secteur priv� aux financements gr�ce � la poursuite de la r�forme bancaire.
AU FMI ET A LA BANQUE MONDIALE
7. Reconna�tre que les autorit�s alg�riennes sont r�ticentes � mettre en �uvre d'elles-m�mes les priorit�s �nonc�es ci-dessus et, par cons�quent, lier la coop�ration � l'avancement d'une v�ritable r�forme �conomique qui remplacerait les fiefs personnels par des structures institutionnels autonomes capables de lib�rer l'�norme potentiel �conomique du pays.
A L'UNION EUROPEENNE
8. Conclure, dans le cadre du Partenariat euro-m�diterran�en (processus de Barcelone), un Accord d'Association avec l'Alg�rie, qui lie clairement une coop�ration �conomique plus �troite � la r�forme politique.
Bruxelles, 26 octobre 2001
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