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SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS
Alors qu'un
gouvernement de transition est attendu pour juin 2003 en République
Démocratique du Congo (RDC), le programme de désarmement volontaire et
démobilisation, rapatriement, réinstallation et réintégration (DDRRR) opéré par
la Mission de l'Organisation des Nations Unies au Congo (MONUC), est au point
mort. Autorisée par une résolution du Conseil de sécurité le 8 novembre 2001 à
se déployer à l'est de la RDC, la MONUC n'a rapatrié que quelques centaines
d'ex – rebelles hutu rwandais et n'a ouvert qu'un seul centre de regroupement à
Lubéro au Nord Kivu. La participation d'observateurs sud-africains au mécanisme
de vérification (TPVM) établi en juillet 2002 lors de la signature de l'accord
bilatéral Rwanda-RDC n'a rien changé à ce bilan. Jusqu'à présent la MONUC n'a
déployé aucune force conséquente ou construit de programme de désarmement
crédible à l'est du Congo.
Plusieurs facteurs expliquent cet échec. En premier lieu, le contexte
sécuritaire et politique est peu propice au déploiement d'une force des Nations
unies – qui sont elles-mêmes désorganisées et ont besoin d'un nouveau mandat et
de nouvelles structures - dans les territoires contrôlés par le Rassemblement
Congolais pour la Démocratie (RCD) et d'autres alliés du Rwanda et de
l'Ouganda. La multiplication des groupes armés et Seigneurs de guerre en
contact avec les groupes hutu (FDLR) et l'hostilité ouverte de la rébellion du
RCD rendent difficile le désarmement d'une force hostile d'un minimum de 15 000
hommes, aguerris par plus de huit ans de combats sur un terrain d'opération
d'environ 150 000 km2. Mais surtout, le maintien d'une option
militaire par le Rwanda et la RDC et les tensions actuelles entre le Rwanda et
l'Ouganda qui ont mené à l'intensification des conflits en province d'Ituri
réduisent les espoirs de démobilisation de la rébellion rwandaise. Le
gouvernement de Kinshasa a repris son soutien aux FDLR en février 2003, après
un arrêt de trois mois. La permanence des alliances entre groupes hutu et Mai
Mai a permis à ceux ci de maintenir leur capacité militaire.
En second lieu, le DR souffre d'une faille conceptuelle. Jusqu'à
aujourd'hui le mandat de la MONUC et l'accord de Pretoria de juillet 2002
traitent le désarmement comme un problème strictement sécuritaire et surtout
strictement congolais. La dimension politique interne, rwando-rwandaise, de la
question n'a jamais été sérieusement examinée. Ni la MONUC, ni la TPVM n'ont
engagé de vrais contacts avec la rébellion à désarmer, les FDLR. Aucun acteur
international n'a non plus officiellement fait le lien entre le DR des FDLR en
RDC et une nécessaire politique d'ouverture et de réconciliation au Rwanda.
La seule alternative au désarmement volontaire est le désarmement de force.
Cette option a été tentée, sans succès. Il n'y a pas de solution militaire au
problème des FDLR. Les Forces Rwandaises de Défense (FRD, ex-Armée Patriotique
Rwandaise) ne sont jamais parvenues à venir à bout des FDLR en six ans de
présence militaire au Nord et Sud Kivu et l'Etat-Major des FDLR refuse le
processus de désarmement volontaire. L'attaque du camp militaire de Kamina au
Katanga par les Forces armées congolaises (FAC) et le rapatriement forcé de
huit civils membres de son mouvement par le mécanisme de vérification le 1
novembre 2002 l'a conduit à menacer de représailles l'Afrique du sud et la
MONUC. Il est désormais nécessaire d'engager des efforts diplomatiques plus
marqués qui prennent en compte les préoccupations sécuritaires, politiques et
économiques des troupes non-génocidaires FDLR, y compris avec le gouvernement
du Rwanda ainsi qu'entre le Rwanda et la RDC.
Loin de se réduire, le problème de l'opposition rwandaise ne fait que se
compliquer. Les FDLR sont devenus membres de la concertation permanente de
l'opposition démocratique rwandaise (CPODR) regroupant la quasi-totalité des
partis d'opposition rwandais en exil – dont des représentants de Tutsi rescapés
du génocide-, et ils appellent à la suspension du calendrier de fin de
transition, et dénoncent la dérive autoritaire du FPR. En attendant, son
Etat-Major réorganise ses troupes, et prépare des opérations de déstabilisation
en cas d'échec de cette stratégie politique. De son côté le gouvernement
rwandais rejette catégoriquement toute reconnaissance et tout dialogue avec une
opposition qu'il considère comme génocidaire et «terroriste», et toute
interférence internationale dans un problème qu'il considère comme interne. Il
poursuit son programme de sortie de transition, en éliminant toute opposition
politique interne avant les élections de juillet 2003 et en redéployant des
troupes au Congo sous la couverture du RCD. Cette politique répressive permet
aux opposants en exil d'accroître leur audience à l'intérieur du pays et ne
fait qu'accroître les tensions.
Aujourd'hui, la tentation est grande pour la MONUC de compter sur
l'inclusion des alliés du Rwanda dans le gouvernement de transition en RDC pour
mener à bien le DR au Congo et de concentrer son action sur un soutien à la
transition politique à Kinshasa. Mais ce calcul est faux. D'abord, malgré les
perspectives de gouvernement de coalition, les alliés du Rwanda poursuivent les
combats sur le terrain et le gouvernement de Kabila continue d'aider les FDLR.
C'est cette réalité que la MONUC doit affronter avant d'espérer qu'un
gouvernement de coalition puisse mener un vrai DR. La MONUC doit renforcer ses
efforts diplomatiques et assurer un vrai maintien de la paix à l'est et au nord
est, là où les combats se sont déroulés.
Comme on le voit actuellement en Ituri, l'impuissance de la MONUC est un
handicap dramatique pour le processus de paix congolais. La MONUC doit immédiatement déployer une force
de réaction rapide pour rétablir l'ordre et éviter d'autres massacres de civils
qu'elle a déjà le mandat de protéger. Elle a aussi besoin d'une force militaire
crédible pour empêcher les FDLR de déstabiliser le Rwanda et pour soutenir ses
efforts diplomatiques en vue du désarmement volontaire. Si la guerre ne
s'arrête pas à l'est, le nouveau gouvernement du Congo perdra vite toute
crédibilité et toute l'entreprise de la MONUC deviendra caduque.
Il est vital que le
Conseil de sécurité des Nations Unies saisisse l'opportunité de la mise en place
du gouvernement de transition en RDC pour impulser une nouvelle dynamique aux
opérations de DR qui ont essentiellement souffert d'un contexte défavorable et
d'un manque de leadership politique. La MONUC doit terminer son déploiement à
l'est et remplir ses engagements vis à vis de ce programme. Ceci devrait
permettre de soutenir le gouvernement de transition dans la restauration de son
autorité à travers le pays, d'isoler et surveiller les FDLR tout en prenant
contact avec eux, et finalement de proposer un processus de désarmement et
réintégration crédible. Le gouvernement sud-africain et le Représentant spécial
du Secrétaire général doivent travailler ensemble pour transformer l'accord de
Pretoria en un accord de paix durable et complet entre la RDC et le Rwanda, et
recevoir un mandat du Conseil de sécurité pour mener des consultations avec la
rébellion hutu rwandaise à désarmer ainsi que le gouvernement du Rwanda. La
communauté internationale dans son ensemble doit convaincre le gouvernement
rwandais que la solution pour stopper la spirale qui s'enclenche est une
ouverture politique préalablement soumise à un véritable débat national.
RECOMMANDATIONS
Au Secrétaire général et au Conseil de sécurité des Nations unies:
1. Donner un mandat
de maintien de la paix renforcé à la MONUC avec autorisation d'utiliser la
force pour se défendre, défendre les populations civiles, surveiller la
sécurité de la frontière entre le Rwanda et le Kivu et les infiltrations des
FDLR. S'assurer que les objectifs actuels déclarés de la MONUC (déploiement en
zones occupées, DR, soutien à la réconciliation locale) restent une priorité
dans la phase de transition en RDC.
2. Donner un mandat spécifique au Représentant spécial pour conduire les
consultations sur les modalités du désarmement et du rapatriement avec les FDLR
et le gouvernement du Rwanda, en coordination avec le gouvernement
sud-africain, pour accompagner la transformation de l'accord de Pretoria en un
accord de durable et complet entre le prochain gouvernement de la RDC et le Rwanda.
3. Mettre en place
une commission d'enquête sur les événements de Kamina du 31 octobre et 1
novembre 2002.
A la MONUC:
4. Accélérer son
déploiement à l'est du pays et remplir ses engagements de la Phase III dans son
soutien à la transition.
5. Dénoncer le soutien
continu aux FDLR par Kinshasa et la présence de soldats rwandais sur le
territoire de la RDC.
6. Faciliter des négociations entre le RCD et les Mai Mai sur l'établissement
de zones et de couloirs neutres menant aux centres de rassemblement et dans
lesquels les candidats au désarmement volontaire pourront se déplacer sans être
attaqués.
7. Demander aux
Etats membres des Nations unies, en particulier l'Autriche, un soutien
technique pour le brouillage des ondes de la radio des FDLR.
Aux bailleurs de
fonds de la République Démocratique du Congo et de la République du Rwanda:
8. Demander aux gouvernements de la RDC et du Rwanda le respect à la lettre
les accords de Pretoria de juillet 2002 et conditionner l'aide bilatérale et
multilatérale l'aide à cette demande.
9. Faire pression
immédiatement sur le gouvernement rwandais pour qu'il opère une libéralisation
contrôlée de son espace politique avant la fin de la transition.
Au gouvernement sud-africain:
10. Aider à la
transformation de l'accord de Pretoria en un accord de paix durable et complet
entre le futur gouvernement de transition de la RDC et le Rwanda.
11. Convaincre le gouvernement du Rwanda de libéraliser la vie politique
interne et de faire des gestes d'ouverture vers les partis d'opposition en
exil, à condition que ceux-ci ordonnent à leurs troupes de se désarmer,
contribuent activement à l'arrestation des génocidaires par le Tribunal Pénal
pour le Rwanda dénoncent vigoureusement toute idéologie révisionniste du
génocide et clarifient leur programme de réconciliation.
Au gouvernement (actuel et futur gouvernement de transition) congolais:
12. Respecter à la
lettre les accords de Pretoria, malgré la fin de la période de surveillance
prévue, soit:
(a) cesser immédiatement tout soutien aux FDLR; et
(b) faire
immédiatement parvenir à la MONUC et la TPVM toutes les informations en leur
possession sur la branche armée des FDLR concernant les effectifs, leur
organisation, localisation, et équipements.
13. Mettre en place
un mécanisme de négociation de la pacification dans les Kivu avec les Mai Mai.
14. Engager parallèlement des consultations avec le gouvernement rwandais pour parvenir à
un accord de paix globale et durable.
Au gouvernement rwandais:
15. Libéraliser les
activités politiques sur l'ensemble du territoire national et organiser un débat
national sur les règles d'intégration de toutes les composantes politiques en
vue de la préparation des prochaines élections.
16. Autoriser le retour et la participation des partis politiques en exil avant
les prochaines élections à condition qu'ils ordonnent à leur branche armée, les
FDLR, de déposer les armes et d'accepter le programme DR de la MONUC, qu'ils
reconnaissent sans ambiguïté et publiquement le génocide contre les Tutsi et
qu'ils s'engagent sincèrement dans le processus de réconciliation.
17. Entamer des
discussions directes avec l'opposition interne et externe en vue de
l'élaboration négociée d'une nouvelle constitution post transition.
18. Créer un bureau de l'ombudsman indépendant du gouvernement, pour réguler
les activités des partis politiques et superviser un processus de
réconciliation dépolitisé.
Aux opposants en exil:
19. S'engager à
cesser leur lutte armée, à cantonner, démobiliser et rapatrier leurs troupes à
travers le programme DR de la MONUC. Suspendre toutes les activités en cours
visant une solution armée aux problèmes politiques internes au Rwanda.
20. Faire parvenir au TPIR toutes les informations en leur possession sur les
rwandais accusés de génocide.
21. Arrêter la diabolisation du FPR dans les communications publiques et ouvrir un débat franc
sur leur propre responsabilité dans le génocide et le drame rwandais, comme
gage de bonne foi.
Nairobi/Brussels, 23 mai 2003