Le 11 septembre et la crise afghane vus de l'asie centrale

PRESENTATION GENERALE
En r�ponse aux attaques terroristes du 11 septembre 2001 sur New York, Washington et la Pennsylvanie, les Etats-Unis et une vaste quoiqu'informelle coalition d'alli�s et d'Etats de sensibilit� proche sont en train de constituer en Asie Centrale une puissance militaire qui devrait, selon toute probabilit�, frapper � l'int�rieur m�me de l'Afghanistan. Les taliban au pouvoir et Oussama Ben Laden, r�fugi� en Afghanistan depuis 1996, devraient �tre les principales cibles de ces frappes.
Les cinq nations d'Asie Centrale � Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Turkm�nistan et Ouzb�kistan � sont d�sormais au centre d'un effort diplomatique et militaire majeur contre le terrorisme. Cette situation aura un impact �norme sur une r�gion qui montre d�j� des signes de plus en plus s�rieux d'instabilit�. Ce que sera exactement, en fin de compte, cet impact d�pendra en grande partie d'un certain nombre de facteurs qui ne peuvent pas encore �tre appr�ci�s avec pr�cision. Il s'agit notamment de savoir si l'action militaire � venir sera de courte ou de longue dur�e, si elle sera relativement chirurgicale et pr�cise dans sa conduite ou si elle fera de nombreuses victimes innocentes et de nombreux r�fugi�s, et si les forces am�ricaines demeureront dans la r�gion apr�s l'ach�vement de leur mission principale et, si tel est le cas, � quel niveau. La gestion de l'impact et la minimisation des risques d'instabilit� dans la r�gion devront toutefois �tre une pr�occupation essentielle des Etats-Unis et des autres participants � la coalition.
Les dirigeants de toutes les nations d'Asie Centrale ont tr�s vite condamn� les attaques sur les Etats-Unis. L'anti-terrorisme est un concept auquel les Etats d'Asie Centrale sont g�n�ralement favorables. Avant le 11 septembre, ils tentaient d�j� de se mobiliser contre ce qu'ils consid�raient �tre leurs propres menaces terroristes r�gionales, au travers d'une s�rie de rencontres au sommet, d'accords internationaux, et m�me d'un centre anti-terroriste conjoint qui devait �tre mis en place � Bichkek, la capitale du Kirghizistan. Le principal v�hicule de cette activit� est l'Organisation de la Coop�ration de Shanghai (OCS), qui regroupe la Russie et la Chine, ainsi que le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l'Ouzb�kistan, et qui a pour plate-forme centrale l'anti-terrorisme et l'opposition � l'Islam radical. Les tendances autoritaires des gouvernements membres de cette organisation ont toutefois donn� � certains des discours et actions engag�s par les Etats membres de l'OCS au nom de l'anti-terrorisme et de la surveillance des activit�s islamiques une connotation peu compatible avec les valeurs des soci�t�s qui recherchent aujourd'hui leur aide.
Les r�ponses aux appels � une coop�ration sp�cifique contre le terrorisme ont jusqu'� pr�sent �t� diverses. C'est l'Ouzb�kistan qui a manifest� le plus d'enthousiasme, car il verrait d'un bon �il une attaque contre le Mouvement Islamique d'Ouzb�kistan (MIO) bas� en Afghanistan, qu'il consid�re comme son propre ennemi mortel , et parce qu'il voit dans la situation actuelle l'occasion d'arracher des concessions �conomiques et politiques � l'Occident. Des avions am�ricains et des hommes seraient d�j� dans le pays.
Le Tadjikistan a offert son soutien mais demeure pr�occup� par l'impact que pourrait avoir ce soutien sur la coalition la�que-islamique pr�caire qui gouverne le pays. Comme l'Ouzb�kistan, le Tadjikistan craint l'arriv�e massive de r�fugi�s au travers de sa fronti�re commune avec l'Afghanistan.
Le Kazakhstan autorisera l'utilisation de son espace a�rien, mais demeurera par ailleurs quelque peu � l'�cart de l'�ventuel conflit. Le Kirghizistan s'est montr� peu enthousiaste � soutenir les Etats-Unis, l� encore en raison de l'impact possible des r�fugi�s sur son �conomie chancelante.
Le Turkm�nistan fonctionne dans le cadre d'un syst�me de neutralit� et d'isolement qui exclut toute coop�ration ouverte avec l'Occident.
Deux d�cennies de conflit en Afghanistan ont d�j� eu un impact majeur sur l'Asie Centrale. A l'�poque sovi�tique, l'Asie Centrale a pay� un lourd tribut en vies humaines � la guerre qui se d�roulait dans ce pays. Plus r�cemment, le MIO, qui est soutenu par les taliban, a men� des incursions en Ouzb�kistan et au Kirghizistan � partir de bases situ�es en Afghanistan. Les r�fugi�s de la guerre civile afghane ont constitu� un probl�me majeur pour le Tadjikistan. De fait, tous les pays craignent que la guerre ne gagne leur territoire . Par ailleurs, une grande partie de la production de drogue de l'Afghanistan traverse l'Asie Centrale pour rejoindre l'Europe.
Si la coop�ration de l'Asie Centrale est la bienvenue dans le cadre des efforts prioritaires actuels contre le terrorisme, la situation politique, sociale et �conomique de ces pays devrait inciter la communaut� internationale � examiner attentivement l'impact � long terme de ses efforts diplomatiques et militaires dans la r�gion. Ces nations �taient dans une situation pr�caire avant m�me la crise actuelle. Le d�veloppement �conomique a pris du retard, les r�formes d�mocratiques sont le plus souvent mortes avant que d'�tre n�es, et les gouvernements sont souvent consid�r�s par leurs populations, en immense majorit� islamiques, comme profond�ment corrompus, non repr�sentatifs et r�pressifs. La r�gion est dangereusement d�stabilis�e par le trafic de drogue, elle est d�chir�e par les rivalit�s ethniques et divis�e par les conflits portant sur les fronti�res et les ressources.
Les gouvernements d'Asie Centrale ont �t� enclins � r�primer les groupes religieux, m�me les groupes mod�r�s et non violents, de peur qu'ils ne deviennent une source d'opposition importante. En poussant la majeure partie de l'opposition politique dans la clandestinit�, des nations comme l'Ouzb�kistan ont toutefois rendu l'extr�misme plus attrayant pour des fractions plus vastes de leurs populations. Il est �galement facile � comprendre que des soci�t�s domin�es par la corruption, le crime et des �lites �conomiques mafieuses puissent se laisser s�duire par le message de discipline et d'ordre v�hicul� par les groupes islamistes.
Tous ces pays continuent � lutter contre la pauvret� g�n�ralis�e et les difficult�s � mettre en �uvre la r�forme du march�. Les 55 millions d'habitants que compte l'Asie Centrale se montrent de plus en plus m�contents de leur situation politique et �conomique. Dans ce contexte, l'instauration de partenariats strat�giques entre la communaut� internationale et les gouvernements actuellement en place dans la r�gion pourrait avoir des cons�quences dangereuses et inattendues.
Toute action militaire entreprise par la coalition anti-terrorisme dirig�e par les Etats-Unis dans la r�gion ou � partir de celle-ci devra donc s'accompagner d'efforts concert�s � long terme afin de stabiliser l'Asie Centrale sur les plans politique et �conomique. Il faudra pour cela trouver un d�licat �quilibre entre les exigences de dirigeants r�gionaux autoritaires et les aspirations des peuples. Il faudra �galement jongler pour concilier les int�r�ts des quatre pays dot�s de l'arme nucl�aire � la Russie, la Chine, l'Inde et le Pakistan � qui entourent la r�gion ainsi que ceux d'autres acteurs tels que l'Iran. Tout cela exigera sans doute consid�rablement plus de ressources diplomatiques et financi�res qu'il n'en a �t� engag� depuis dix ans que ces pays sont devenus ind�pendants de l'Union Sovi�tique.
Ce briefing paper aborde les pr�occupations r�gionales et, en particulier, les perspectives individuelles de chacun des cinq Etats ainsi que l'impact potentiel de la crise actuelle sur leurs soci�t�s. On s'int�ressera �galement au r�le de la Russie dans la r�gion, � son engagement � relever le d�fi actuel du terrorisme, � l'enjeu strat�gique que repr�sente pour elle l'Asie Centrale et � la mani�re dont elle a r�pondu aux efforts des Etats-Unis pour impliquer plus fortement les Etats d'Asie Centrale dans une r�ponse militaire contre l'Afghanistan.
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