Burundi : Ni guerre ni paix

Le 28 ao�t 2000, dix-neuf parties au conflit burundais ont sign� un accord de paix � Arusha, en pr�sence de nombreux chefs d'Etat de la r�gion et du pr�sident am�ricain Bill Clinton. Mais cet accord, sign� � l'arrach�e, sous la pression de Mandela, n'inclut pas de cessez-le-feu. Les principaux chefs rebelles, devenus partie int�grante de l'Etat major de Kabila en RDC, n'ont pu �tre convaincus de participer au processus de paix d'Arusha. De fait, depuis ao�t 2000, le Burundi conna�t un regain dramatique de violence et la vie des Burundais n'a �t� en rien chang�e par la signature de l'accord. En septembre, lass�s de l'�chec des consultations avec les rebelles, les chefs d'Etat de la r�gion leur ont donn� un ultimatum aux et les ont menac�s de sanctions. D�j�, trois mois apr�s la signature, l'espoir suscit� par la signature d'un accord de paix est en train de retomber, laissant la place � une dangereuse incertitude et � la r�actualisation de l'option militaire, cette fois au niveau r�gional.
La signature de cet accord, a eu pour essentielle vertu de clore le cycle d'Arusha, dont la formule, incluant tous les partis politiques mais pas les principaux groupes rebelles, avait atteint ses limites. Le principal r�sultat des n�gociations a �t� l'obtention d'un accord politique minimal reposant sur un texte de qualit�, riche et fouill�, faisant en grande partie l'unanimit�. Le document est certes incomplet en raison de l'absence des principaux groupes rebelles � la table des n�gociations, mais les trois protocoles achev�s (I, II, IV) dressent un programme d'action clair et pr�cis pour tenter d'amener le Burundi sur la voie de la r�conciliation, de la d�mocratie et de la reconstruction.
Cependant, le texte est fragilis� par un certain nombre de paradoxes : la signature du gouvernement, obtenue � grands frais et gr�ce � des concessions de derni�re minute par le pr�sident du FRODEBU, a probablement �t� possible parce qu'aucun grand compromis n'a �t� fait sur la transition et la r�forme de l'arm�e, autrement dit, sur le partage sur les instruments du pouvoir. La nouveaut� d'Arusha �tait en effet de toucher � la question du r�le et de la composition de l'arm�e et de ses relations avec le pouvoir civil. Aucun compromis n'a �t� fait par le pouvoir en place car aucune garantie sur l'arr�t de la guerre n'a �t� donn�e par les chefs rebelles.
Malgr� cette situation de fait, c'est probablement l'accord d'Arusha qui va l�gitimer la continuation de la guerre. En effet, le pr�sident Buyoya est sorti vainqueur des n�gociations de derni�re minute � Arusha, o� il a obtenu des concessions significatives, et vainqueur du sommet r�gional de Nairobi o� les rebelles sont apparus comme des "forces n�gatives". Celui qui est parti perdant, affaibli par des sanctions r�gionales et forc� de n�gocier dans des conditions qu'il d�sapprouvait, est aujourd'hui en position de force pour modeler le processus de paix. R�habilit� par sa signature, ayant remis la balle dans le camp de la facilitation, il compte bien profiter de la p�riode de flou d'int�rim pour n�gocier la transition � ses conditions et reprendre un avantage militaire sur le terrain.
En effet depuis le 28 ao�t, aucune initiative convaincante n'a sembl� relayer, depuis l'Afrique du sud, la dynamique qui avait �t� engag�e en Tanzanie en juin 1998, ni proposer un autre cadre de n�gociations soutenu par une m�thodologie professionnelle. De plus, Nelson Mandela donne d�j� des signes d'essoufflement. Il a notamment d�l�gu� une grande partie de ses responsabilit�s au vice-pr�sident sud-africain Jacob Zuma. Dans ces conditions, le gouvernement dispose d'un certain nombre d'instruments de blocage. La Commission d'application pourrait certes commencer � travailler et devenir le nouveau forum de n�gociation entre les partis, mais sa composition �largie risque d'en faire un champ de bataille permanent, un micro-Arusha sans Mandela. De plus, la n�gociation des r�serves et l'entr�e tardive des rebelles dans le processus de paix va encore retarder l'application. Ainsi, l'application de l'accord risque de devenir un champ de n�gociation perp�tuelle et il est � craindre que le Burundi reste encore longtemps entre la guerre et la paix. Il est donc capital que les burundais saisissent la chance de cet accord de paix pour cr�er la dynamique de changement fondamentalement n�cessaire � l'arr�t de la guerre.
RECOMMANDATIONS
Au Facilitateur Nelson Mandela - Nommer une �quipe de facilitation professionnelle � mandat ind�termin� pour la poursuite des n�gociations
- Donner une interpr�tation sans ambigu�t� des mesures applicables imm�diatement contenues dans l'accord.
- Exclure des institutions de transition tout responsable politique coupable d'incitation � la haine ethnique ou d'organisation de milices.
- Menacer de sanctions individuelles- poursuites judiciaires, restrictions de voyage et gel des avoirs financiers- les opposants � l'application de l'accord dans les deux camps.
- Encourager le pr�sident Buyoya � commencer sans tarder l'application de l'accord pour cr�er une dynamique de changement, � savoir:
- Offrir imm�diatement aux rebelles d�serteurs des possibilit�s de r�int�gration.
- Mettre en place imm�diatement la Commission d'enqu�te sur la question des prisonniers politiques et lib�rer tous les d�tenus dont les dossiers sont vides au fur et � mesure de l'enqu�te.
- Prendre des mesures disciplinaires � l'encontre de tout soldat coupable d'exactions et d'usage abusif de l'exercice de la force.
- Cr�er les conditions s�curitaires suffisantes pour garantir l'acc�s des agences humanitaires aux populations d�plac�es et le soulagement de leurs souffrances. Cr�er des couloirs humanitaires pour les populations regroup�es et sinistr�es avec l'aide des organisations tant caritatives qu'humanitaires.
- Prendre conform�ment � l'accord d'Arusha, les mesures n�cessaires pour l'invitation imm�diate des Nations unies pour le d�ploiement d'une force de maintien de la paix, de sorte � ce qu'elle soit en place au moment du d�but de la transition.
- Autoriser d'�mettre � la radio-t�l�vision nationale des programmes d'information et de vulgarisation en Kirundi sur le contenu de l'accord de paix et donner � tous les candidats pour la transition l'occasion de s'exprimer.
- Lancer une campagne d'information aupr�s des forces arm�es, rassurant les troupes sur le sens de la d�mobilisation.
- Arr�ter imm�diatement tout homme politique coupable d'incitation � la haine ethnique ou formant des milices.
Au Pr�sident Museveni, pr�sident de l'Initiative r�gionale sur le Burundi - Inviter le Pr�sident Robert Mugabe � contribuer au processus de paix lors du prochain sommet r�gional sur le Burundi et lui demander de convaincre les rebelles du CNDD-FDD de participer aux n�gociations.
- Demander au gouvernement tanzanien de prendre toutes les mesures n�cessaires pour limiter les activit�s des rebelles sur son territoire, tout en leur offrant avec l'aide des agences humanitaires internationales, les moyens concrets de d�poser les armes.
- Demander aux gouvernements de la r�gion l'application de sanctions contre les rebelles refusant le processus de paix et au gouvernement du Burundi l'arrestation des extr�mistes Tutsi organisant les milices.
Au pr�sident Benjamin Mkapa de la R�publique unie de Tanzanie - Prendre toutes les mesures n�cessaires pour stopper le recrutement des rebelles dans les camps de Kigoma et restreindre les mouvements de troupes rebelles le long de sa fronti�re et sur le lac Tanganyika
- Accueillir en coordination avec les agences humanitaires tout rebelle d�cid� � d�poser les armes et l'enregistrer comme b�n�ficiaire privil�gi� de la r�forme des forces de s�curit�.
Aux bailleurs de fonds du Burundi en vue de la conf�rence des donateurs du 11 d�cembre - Financer une �quipe de facilitation professionnelle pour la poursuite des n�gociations
- Soutenir l'application de toutes les dispositions applicables de l'accord
- Soutenir sans faille les pressions exerc�es sur le gouvernement du Burundi par la facilitation en ne d�bloquant l'aide internationale que sous condition du respect des mesures �nonc�es ci-dessus.
- Convaincre les pays de la r�gion d'appliquer tous les moyens de pression n�cessaires pour pousser les rebelles � int�grer le processus de n�gociations.
Arusha/Nairobi/Bruxelles, 1 d�cembre 2000
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