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Burundi: Lever les sanctions, Relancer la transition28 Avril, 1998 (1 de 3) Table des mati�res
Le 21 octobre 1993, des officiers de l'arm�e assassinent le premier pr�sident hutu �lu au suffrage universel de l'histoire du Burundi, Melchior Ndadaye, ainsi que la plupart des membres de son gouvernement �lus en juin de la m�me ann�e. L'assassinat du pr�sident provoque une vague de violence meurtri�re dans le pays, d'abord des massacres � grande �chelle de la minorit� tutsi par la population hutu, bient�t suivis d'une r�pression sanglante de l'arm�e domin�e par les Tutsi contre la population hutu. A partir de d�cembre 1993, les partis n�gocient un accord de partage du pouvoir permettant d'�lire un pr�sident par le parlement le 13 janvier 1994. Le 6 avril, ce pr�sident meurt dans l'avion du pr�sident rwandais, Juv�nal Habyarimana. Les n�gociations reprennent et aboutissent � la Convention de gouvernement sign�e par douze d'entre eux en septembre 1994. Cependant cet accord, qui donnait la pr�sidence au parti FRODEBU (Front pour la D�mocratie au Burundi, vainqueur des �lections de 1993 et domin� par les Hutu) et la primature � l'UPRONA (Union pour le Progr�s National, parti n� au moment de l'ind�pendance et domin� par les Tutsi) instaurait un syst�me de veto qui paralysait les pouvoirs du pr�sident et du parlement et leur contr�le sur l'arm�e. Bient�t d�courag�s par un gouvernement civil impuissant face au pouvoir des partis tutsi et de l'arm�e, une partie des politiciens hutu ont d�cid� de rejoindre les rangs des groupes arm�s rebelles, le CNDD (Conseil pour la D�fense de la D�mocratie), le Frolina (Front pour la Lib�ration Nationale) et le Palipehutu (Parti pour la Lib�ration du Peuple Hutu). L'arm�e a r�pondu aux attaques et � l'infiltration croissante de la gu�rilla dans le pays par des campagnes de terreur contre la population et de "purification ethnique" de certaines zones, dont la capitale Bujumbura. Ce climat de violence a conduit le gouvernement burundais � demander une intervention militaire r�gionale au printemps 1996. C'est dans ce contexte que le major Pierre Buyoya, au pouvoir entre 1987 et 1993, est revenu � la t�te de l'Etat le 25 juillet 1996. Au moment du coup d'Etat en juillet 1996, les pays de la r�gion, la Tanzanie, le Kenya, l'Ouganda, le Rwanda, le Za�re et l'Ethiopie, engag�s dans un processus de consultation r�gionale depuis fin 1995, ont d�cid� d'imposer des sanctions contre le Burundi. La position r�gionale d�fendait un principe : le gouvernement de Pierre Buyoya devait revenir � la l�galit� constitutionnelle, qu'il avait lui-m�me d�finie en 1992 en proposant une nouvelle constitution pr�parant l'av�nement du multipartisme. Elle tentait un nouveau type de solution : pour la premi�re fois, l'objectif prioritaire �tait d'amener toutes les parties � la n�gociation. En imposant des sanctions, elle choisissait enfin un nouveau type d'approche vis-�-vis du probl�me burundais, � savoir une approche de confrontation avec le gouvernement militaire. Pouss�e par le sentiment de culpabilit� de ne pas avoir agi � temps au Rwanda, la communaut� internationale a d�ploy� une activit� diplomatique disproportionn�e par rapport � l'int�r�t de ce petit pays d'Afrique centrale de six millions d'habitants. D�s 1993, mais surtout � partir de 1994, une douzaine d'envoy�s sp�ciaux et de m�diateurs, des dizaines d'ONG internationales ont voulu arr�ter la d�rive vers le "g�nocide" 2 et chercher une solution politique pour le Burundi. Le Secr�taire g�n�ral des Nations unies a m�me propos� d'envoyer une force de maintien de la paix multinationale. Cependant, consid�rant les acteurs et les int�r�ts en pr�sence, il est vite apparu difficile d'affirmer qui allait commettre un g�nocide contre qui. Exclus du pouvoir depuis l'ind�pendance, les Hutu revendiquent une repr�sentation proportionnelle au sein de toutes les institutions: gouvernement, administration, arm�e, enseignement, entreprises publiques et parapubliques. Vainqueurs des �lections en 1993 et �cart�s du pouvoir une nouvelle fois par l'arm�e en 1996, les Hutu veulent revenir au syst�me d�mocratique qui leur a permis de conqu�rir le pouvoir en 1993. De leur c�t�, les Tutsi justifient leur pr�dominance et leur maintien au pouvoir par la peur du g�nocide. Une arm�e domin�e par les Tutsi est consid�r�e comme le seul rempart contre l'id�ologie g�nocidaire. La bataille entre les deux causes est devenue un enjeu qui s'est transpos� du d�bat politique au champ de bataille militaire, aux divers processus de n�gociation et m�me au champ lexical. Les Hutu se battent donc pour la "d�mocratie". Une d�mocratie qui, pour les Tutsi, signifie r�gne de la majorit� et extermination de la minorit�. De leur c�t�, les Tutsi se battent contre l'id�ologie "g�nocidaire", devenue une justification pour �carter les Hutu du pouvoir. Malgr� l'int�r�t et les efforts de la communaut� internationale, malgr� le budget relativement important investi dans l'aide humanitaire et la r�solution du conflit, les diff�rentes tentatives de r�soudre le probl�me politique par des accords de partage de pouvoir ont conduit � des impasses politiques et diplomatiques successives. L'escalade de la violence a d�g�n�r� en une v�ritable guerre civile o� la peur de l'autre paralyse toute tentative de solution et r�duit chaque jour l'espace de dialogue. En peu de temps, la complexit� du probl�me burundais et son �tanch�it� aux pressions internationales ont provoqu� la lassitude des bailleurs de fonds et des �lites politiques internationales. En mars 1996, le second sommet r�gional, organis� � Tunis sous les auspices de l'ancien pr�sident am�ricain Jimmy Carter, a confi� � Julius K. Nyerere, ancien pr�sident de la Tanzanie, et aux pays de la r�gion la responsabilit� du Burundi. Une p�riode d'espoir, mais, � partir d'octobre 1996, l'attention internationale s'est d�tourn�e du Burundi pour suivre l'avanc�e spectaculaire des troupes de l'Alliance des Forces D�mocratiques pour la Lib�ration du Congo, men�es par Laurent-D�sir� Kabila vers Kinshasa. Le processus de paix est aujourd'hui � nouveau dans une impasse diplomatique et politique, pour plusieurs raisons : le maintien des sanctions contre le Burundi; la d�t�rioration des relations entre les pays de la r�gion, particuli�rement entre la Tanzanie, qui est accus�e de laisser les extr�mistes hutu op�rer � partir des camps de r�fugi�s situ�s pr�s de la fronti�re, et le gouvernement burundais; l'accusation de partialit� de la m�diation tanzanienne par l'une des parties au conflit; et la constitution d'une arm�e rebelle hutu multinationale dans la r�gion des Grands Lacs. L'objectif du pr�sent rapport est de dresser un �tat des lieux. D'abord, le bilan du gouvernement de "Buyoya II", qui est � mi-parcours du mandat de trois ans qu'il s'est donn� : a-t-il r�ussi � asseoir sa l�gitimit� ?; avance-t-il vers une solution pacifique ?; o� en sont les n�gociations ? Ensuite, un bilan du processus de paix r�gional et de l'impact de l'embargo. Au vu de la situation interne, l'embargo aide-t-il le processus de paix ? Ce rapport a �t� produit sur la base d'une enqu�te men�e au Burundi pendant deux mois. Il est le fruit de nombreux entretiens avec les diff�rents envoy�s sp�ciaux, les repr�sentants des gouvernements, des organisations internationales, des ONG, des m�dias et de la diaspora burundaise. Il reprend d'abord la chronologie des rapports entre le Burundi et les gouvernements de la r�gion depuis le 25 juillet 1996, puis analyse la perspective r�gionale sur les sanctions, fait un bilan de l'action du gouvernement et des d�fis auxquels il est confront� et, enfin, �value les effets de l'embargo sur le processus de paix.
En novembre 1995, pour la premi�re fois, les pr�sidents de la r�gion se sont r�unis au Caire sous les auspices de Jimmy Carter, de Monseigneur Desmond Tutu, de l'ancien pr�sident du Mali, Amadou Toumani Tour� et de l'ancien pr�sident de Tanzanie, Julius K. Nyerere, ces deux derniers �tant absents du sommet pour discuter des probl�mes des Grands Lacs. Au second sommet r�gional � Tunis en mars 1996, Julius K. Nyerere a �t� d�sign� � l'unanimit� par les pays de la r�gion, par le Secr�taire g�n�ral des Nations unies, Boutros Boutros Ghali, par l'Organisation de l'Unit� Africaine et par les gouvernements occidentaux et africains comme m�diateur principal dans le conflit burundais. Le pr�sident Nyerere a accept� cette responsabilit� � la condition qu'il ne soit pas le repr�sentant officiel de ces organisations et qu'il puisse op�rer en toute ind�pendance. Il faut souligner que son nom avait �galement fait l'unanimit� des Burundais, avec qui il �tait en contact informel depuis 1993 et qui avaient reconnu sa connaissance de l'histoire du Burundi. Le pr�sident Nyerere avait en effet soutenu la cr�ation du parti UPRONA au moment de l'ind�pendance. Impuissante face au conflit burundais, craignant de voir le Burundi devenir un "second" Rwanda, la communaut� internationale a soutenu les efforts du pr�sident Nyerere. Ce dernier a donc b�n�fici� d'une marge de manoeuvre diplomatique importante d�s le d�but de la m�diation et re�u le soutien financier de la communaut� internationale pour mener � bien le processus de paix r�gional. D�s mars 1996, le pr�sident Nyerere a voulu mettre en place une approche en deux temps : il s'agissait de consolider le retour � la l�galit� et puis de n�gocier avec les factions rebelles. Mais cette approche remettant en cause les moyens de pression politique de la minorit� tutsi, n�goci�s par la Convention de gouvernement, a �chou�. D�s avril 1996, les Tutsi du Burundi ont commenc� � d�noncer le parti pris du m�diateur dans le conflit burundais. Les deux premiers rounds de n�gociations � Mwanza en mai et juin 1996 en Tanzanie n'ont abouti � aucun accord. Le 25 juin 1996, un sommet r�gional s'est tenu � Arusha (Arusha I) pour examiner la demande d'une assistance militaire du gouvernement du Burundi afin de restaurer la paix et la s�curit� dans le pays. La composition de cette force a �t� rapidement d�cid�e : elle devait essentiellement comprendre un contingent tanzanien, un contingent ougandais, un contingent �thiopien plac�s sous commandement tanzanien. Bien que la requ�te ait �t� pr�sent�e conjointement par le pr�sident Sylvestre Ntibantunganya, du parti FRODEBU, et le premier ministre Antoine Ndwayo, du parti UPRONA, certains officiers, appuy�s par des partis tutsi radicaux, ont per�u l'assistance militaire r�gionale comme un moyen de neutraliser le pouvoir de l'arm�e. La possibilit� d'une intervention r�gionale est venue alors renforcer les rumeurs de coup d'Etat de l'arm�e circulant chroniquement depuis la signature de la Convention de gouvernement en septembre 1994. Ces rumeurs circulaient malgr� le message clair de la communaut� internationale affirmant qu'elle n'accepterait pas qu'un coup d'Etat renverse le r�gime en place. Le 20 juillet 1996, le massacre de 341 Tutsi � Bugendana a donn� le coup de gr�ce � la Convention de gouvernement et servi de d�clencheur au mouvement qui devait amener Pierre Buyoya au pouvoir le 25 juillet. Le 23 juillet, insult� et maltrait� violemment par la foule en col�re, le pr�sident Ntibantunganya a fui la c�r�monie de fun�railles � laquelle il devait assister pour se r�fugier � l'ambassade des Etats-Unis, qu'il n'a pas quitt�e pendant un an. Au m�me moment l'UPRONA se retire de la Convention de gouvernement, cr�ant une situation de crise institutionnelle et politique; les militaires ont envahi les rues et ont annonc�, le 25 juillet � 16 h, que le major Pierre Buyoya �tait le nouveau pr�sident choisi par l'arm�e. Dans son premier discours, celui-ci annonce la suspension de la Constitution et son remplacement par un D�cret-Loi de transition d'une dur�e de trois ans et la suspension des partis politiques. Il affirme imm�diatement et publiquement son intention d'ouvrir un dialogue multipartite. Le 31 juillet 1996, sous l'impulsion du m�diateur, les Etats de la r�gion imposent un embargo sur le Burundi et �noncent des conditions strictement politiques � sa lev�e. Les trois conditions pos�es sont : 1) la restauration de l'Assembl�e nationale, 2) la restauration des partis politiques, 3) les n�gociations inconditionnelles et imm�diates entre toutes les parties au conflit. La d�cision de la r�gion d'imposer des sanctions a �t� soutenue explicitement par l'Organisation de l'Unit� Africaine. Par la r�solution 1072 du 30 ao�t 1996, le Conseil de s�curit� a �galement condamn� le renversement du gouvernement l�gitime, demand� le retour � la l�galit� constitutionnelle, la reprise imm�diate du dialogue et r�affirm� son soutien aux efforts des pays de la r�gion sous les auspices du pr�sident Nyerere. A partir du 31 juillet, un bras de fer s'est engag� entre les pays de la r�gion et le gouvernement du Burundi. Malgr� l'insistance du nouveau gouvernement burundais, le m�diateur a continuellement refus� de se rendre au Burundi. Le manque de directives d'application claires du r�gime de sanctions laisse supposer que ce r�gime de sanctions n'�tait pas pr�vu pour une longue p�riode. Le caract�re strictement politique des demandes impos�es au Burundi a amen� les pays de la r�gion � adopter la politique de la carotte et du b�ton avec le gouvernement burundais. A chaque pas du gouvernement Buyoya, les pays de la r�gion ont r�pondu en rel�chant ou resserrant la pression de l'embargo, selon qu'ils voulaient prendre acte des progr�s du gouvernement dans l'application de ces conditions ou au contraire signifier leur insuffisance. Les sanctions ont eu un effet politique imm�diat ind�niable sur la vie politique du Burundi. Le 4 septembre 1996, le gouvernement a annonc� un plan d'action restaurant les partis politiques et l'Assembl�e nationale. En octobre 1996, au sommet d'Arusha III, deux courants sont apparus parmi les pays de la r�gion. L'un enclin � encourager le gouvernement en levant les sanctions; l'autre partisan des sanctions aussi longtemps que le gouvernement n'amorce pas le processus de n�gociation multipartite. Prenant avantage des divergences au sein de la r�gion, le gouvernement Buyoya a alors annonc� que l'embargo �tait devenu un obstacle aux n�gociations et qu'il ne n�gocierait pas la "corde au cou". Entre octobre et avril 1997, le courant d'opposition aux sanctions s'est renforc� au sein des pays de la r�gion. Les critiques portaient essentiellement sur le fait que les sanctions ne touchaient pas les opposants au gouvernement agissant � l'ext�rieur du Burundi. Les efforts du gouvernement burundais rencontraient de ce fait peu de r�ponse. En avril 1997, suite � ces pressions, les pays de la r�gion ont adopt� une attitude plus conciliante vis-�-vis du Burundi, au point de d�cider d'assouplir certaines dispositions de l'embargo pour laisser passer l'aide humanitaire et une liste de produits exempt�s, dont le carburant pour les organisations humanitaires (d�s f�vrier 1997), les m�dicaments, les engrais et les semences, le mat�riel de construction et le mat�riel scolaire. L'am�lioration des relations entre le pr�sident et les pays voisins tenait aussi en partie � la signature des accords-cadres de Rome entre le Conseil National pour la D�fense de la D�mocratie (CNDD) et le gouvernement le 10 mai 1997, en vue de n�gociations � suivre pour un retour de la paix et de la d�mocratie. La r�gion a reconnu que ces accords, r�sultat d'un processus de n�gociations secr�tes men�es gr�ce � la m�diation de la Communaut� de Sant'Egidio, avaient �t� sign�s par Pierre Buyoya au risque de s'ali�ner le soutien de sa propre base politique. Le gouvernement burundais a, par la suite, manifest� d'autres signes de bonne volont� en autorisant le pr�sident d�mis de ses fonctions, Sylvestre Ntibantunganya � quitter la r�sidence de l'ambassadeur des Etats Unis, en d�clenchant les premi�res op�rations de retour des populations regroup�es dans les camps vers leurs collines et en planifiant le d�mant�lement de ces camps pour septembre 1997. Dans le m�me temps, la coh�sion r�gionale autour du maintien des sanctions et de l'impact du processus d'Arusha avait commenc� � s'effriter. Des critiques accusaient les pays ayant impos� l'embargo, de laisser se d�velopper une �conomie informelle de contrebande entre des ressortissants de leurs propres pays et le Burundi. Certaines fronti�res comme celle du Congo, du Rwanda et de la Tanzanie semblaient ne pas �tre ferm�es de fa�on �tanche. A peine install� au pouvoir en mai 1997, le gouvernement de Kabila a annonc� que la R�publique D�mocratique du Congo (RDC) ne soutenait plus l'embargo. En juin, une initiative des chambres de commerce de la Tanzanie, du Burundi et de la RDC ont demand� la lev�e de l'embargo, arguant qu'il nuisait au commerce r�gional. Malgr� ces critiques et malgr� la porosit� �vidente des fronti�res, les sanctions ont �t� maintenues, divisant la r�gion en deux blocs. Les d�fenseurs de la ligne dure, la Tanzanie et l'Ouganda, se sont trouv�s d�s lors isol�s au sein de la r�gion. Le gouvernement du Burundi a alors demand� la d�mission du m�diateur. Pr�vu pour le 25 ao�t 1997, le sommet d'Arusha IV devait tenter de d�bloquer la situation. Invit� par le m�diateur, � la derni�re minute, le gouvernement burundais a refus� l'invitation. Suite � ce d�sistement, les pays de la r�gion se sont r�unis � Dar es Salaam le 4 septembre 1996. En l'absence du Kenya, oppos� au maintien de l'embargo, ils ont pris une s�rie de d�cisions : 1) ils ont confirm� le maintien des sanctions; 2) ajout� de nouvelles conditions � la lev�e de l'embargo, en exigeant que l'ancien pr�sident Bagaza, accus� de tentative de meurtre contre le pr�sident Buyoya, le pr�sident de l'Assembl�e nationale L�once Ngendakumana et l'ancien pr�sident Sylvestre Ntibantunganya, soient autoris�s � quitter le territoire et � participer aux pourparlers de paix � l'ext�rieur du Burundi 3 et en demandant la suspension imm�diate des proc�s et ex�cutions en cours contre les pr�sum�s putschistes de 1993, non conformes aux proc�dures judiciaires r�glementaires 4; 3) renouvel� leur confiance au m�diateur Nyerere, 4) nomm� le pr�sident ougandais Yoweri K. Museveni porte-parole de la r�gion, 5) adopt� un embargo sur les armes et le p�trole contre le Burundi; 6) cr�� un secr�tariat sp�cial charg� du contr�le de l'application des sanctions. Ce sommet du 4 septembre marque une cassure nette dans le processus de m�diation et dans les relations entre le Burundi et les pays de la r�gion. L'impasse du dialogue tient � trois facteurs : 1) l'accusation par le gouvernement burundais de la partialit� du m�diateur tanzanien suite � des d�clarations hostiles de celui-ci et donc le refus de la majorit� des Tutsi de continuer le processus sous sa m�diation; 2) la d�t�rioration des relations entre le Burundi et la Tanzanie. Le Burundi reprochait � la Tanzanie de tol�rer l'entra�nement de rebelles burundais dans les camps de r�fugi�s pr�s de la fronti�re. La situation � la fronti�re s'est d�grad�e au point que des coups de feu ont �t� �chang�s entre les deux arm�es, chacune s'accusant mutuellement d'invasion; 3) l'accroissement des conditions pos�es � la lev�e de l'embargo marque le durcissement du ton de la r�gion vis-�-vis du r�gime Buyoya, avec pour chefs de file de la ligne dure, la Tanzanie et l'Ouganda. En r�ponse � ces trois points de blocage, le gouvernement burundais a r�p�t� sa volont� de n�gocier, mais en pr�sence d'une �quipe de m�diateurs �largie. Dans le m�me temps, il a affirm� que la non-neutralit� de la Tanzanie ne rendait pas le climat propice aux n�gociations. D�s lors, il a clairement fait savoir que la solution �tait avant tout interne et que seuls les Burundais pourraient r�gler leur conflit. De septembre 1997 au dernier sommet de Kampala le 21 f�vrier, malgr� les efforts des diff�rents envoy�s sp�ciaux de l'O.N.U/O.U.A, Mohamed Sahnoun 5, de l'Union Europ�enne, Aldo Ajello, des Etats-Unis, Howard Wolpe et les efforts diplomatiques bilat�raux pour r�amorcer le processus de paix, aucune initiative de la r�gion n'est venue tenter de d�geler les relations avec le Burundi. Pour tenter de d�bloquer la situation, l'UNESCO a organis�, � Paris, en octobre 1997, une conf�rence sur la paix au Burundi. Toutes les parties burundaises, y compris les factions arm�es y ont assist� � l'exception du FRODEBU. Ce n'est qu'en f�vrier 1996 que cette pression internationale a finalement abouti � l'organisation du dernier sommet r�gional de Kampala. Le pr�sident du Burundi a �t� invit� � pr�senter le plan de paix r�sultant d'un accord entre le gouvernement et l'Assembl�e nationale. A l'issue du sommet, les chefs d'Etat des huit pays africains pr�sents, la Tanzanie, l'Ouganda, le Rwanda, la RDC, le Kenya, le Zimbabwe, la Zambie, et l'Ethiopie ont d�cid� de maintenir l'embargo impos� au Burundi. Le pr�sident Ougandais Yoweri Museveni a d�clar�, � la sortie du sommet, que la d�cision de maintien des sanctions avait �t� prise � "l'unanimit�". Pourtant le Conseil des Ministres de la r�gion, r�uni la veille, avait au contraire recommand� la lev�e de l'embargo. D'autres pays comme l'Erythr�e 6 ou la Zambie, avaient, dans les mois pr�c�dents, publiquement retir� leur soutien aux sanctions. Selon d'autres participants � la conf�rence, ce sont encore une fois les chefs d'Etat de la Tanzanie et de l'Ouganda qui ont impos� leur point de vue, malgr� les appels � la cl�mence des autres participants invoquant les effets d�sastreux de l'embargo sur la population. La r�solution de maintenir les sanctions a �t� renforc�e par l'acc�l�ration de la proc�dure de traitement du dossier en justice de Jean-Baptiste Bagaza, l'ancien pr�sident du Burundi assign� � r�sidence depuis un an 7. Le communiqu� du sommet note qu'"aucun progr�s significatif n'a �t� accompli" et que les sanctions ne seront revues que lorsqu'un processus de n�gociations multipartites aura commenc� et que le gouvernement aura rempli toutes les conditions impos�es par le sommet de Dar es Salaam en septembre 1996, � savoir la libert� de mouvement pour le pr�sident de l'Assembl�e L�once Ngendakumana, l'ancien pr�sident Jean Baptiste Bagaza et le pr�sident Sylvestre Ntibantunganya 8. T�moignant d'une attention � ces exigences, le dossier de L�once Ngendakumana a �t� cl�tur� le 16 mars 1998.
Une dimension fondamentale de l'impasse du processus d'Arusha vient de la perception du r�gime burundais par les pays de la r�gion. La majorit� de la classe politique des leaders de la r�gion a �t� form�e � la m�me �cole, sous le parrainage de Julius Nyerere. De par son statut de p�re spirituel des mouvements de lib�ration africains (ANC, SWAPO, FRELIMO..), le pr�sident Nyerere b�n�ficie de l'aura d'un grand militant panafricaniste et anticolonialiste dans le monde entier. C'est en partie gr�ce � son soutien continu aux sanctions contre l'Afrique du Sud que le r�gime d'apartheid a fl�chi. Il a accueilli les mouvements de lib�ration � Dar es Salaam, leur a apport� un soutien diplomatique et politique et leur a permis de s'entra�ner sur le territoire tanzanien. Il a aid� la National Resistance Army (NRA) de Yoweri Museveni � renverser le r�gime de Milton Obote en 1986, et s'est fait le porte-parole diplomatique des nouveaux r�gimes du Front Patriotique Rwandais (FPR) au Rwanda et de l'Alliance des Forces D�mocratiques pour la lib�ration du Congo (AFDL) en R�publique D�mocratique du Congo. Ces "nouveaux leaders" sont pour la plupart des anciens marxistes panafricanistes, anglophones et swahiliphones pour une bonne partie, issus de mouvements de lib�ration et redevables au pr�sident Nyerere de son soutien. L'id�ologie r�volutionnaire qu'ils d�fendent les a conduit � profond�ment modifier les structures de leurs soci�t�s. Pour ces anciens maquisards, le Burundi est au contraire le st�r�otype d'un leadership africain classique : une arm�e conservatrice au pouvoir depuis l'ind�pendance, crisp�e sur ses privil�ges, un gouvernement autoritaire excluant le peuple de ses d�cisions et pratiquant cycliquement des r�pressions sauvages. Cette arm�e repr�sente un bloc r�actionnaire, dont il faut �liminer la r�sistance, l'archa�sme et l'ing�rence trop grande dans la vie politique. Un syst�me de gouvernement reposant sur l'exclusion du pouvoir de la majorit� est facteur de d�stabilisation politique perp�tuel. Pour illustrer sa vision du probl�me burundais, le pr�sident Nyerere a souvent fait r�f�rence � la situation en Afrique du Sud et qualifi� le Burundi d'apartheid "noir". Il per�oit la cause du conflit du Burundi comme �tant un probl�me de dictature de la minorit� tutsi, arriv�e au pouvoir par les armes, sur la majorit� hutu. De ce fait, son approche du probl�me burundais est tir�e des le�ons de son combat militant contre le r�gime d'apartheid en Afrique du Sud. Les Blancs sud-africains ont refus� d'amorcer des n�gociations tant qu'il n'existait pas de pression internationale pour les y contraindre. Pour que le conflit sud-africain se r�solve, il a fallu d'abord passer par une longue phase de confrontation internationale avec le gouvernement sud-africain. Plus qu'un outil de sanction �conomique, les sanctions � l'�gard de l'Afrique du Sud visaient � humilier et isoler un r�gime injuste. Le pr�sident Nyerere confirme que celles contre le Burundi s'inspirent de la m�me logique : "quant � la mani�re employ�e, je veux simplement rappeler que l'imposition de sanctions a r�ussi en Afrique du Sud, un pays beaucoup plus solide que le Burundi. Les effets des sanctions sont moins rapides que ceux d'un coup de fusil mais �a marche" 9. Le m�diateur faisait l'hypoth�se qu'en augmentant le co�t du maintien au pouvoir pour les Tutsi, les sanctions forceraient Pierre Buyoya � retourner au syst�me d�mocratique et aux r�sultats �lectoraux de 1993. De cette vision du Burundi gouvern� par une minorit� r�fractaire au changement vient le sentiment des pays de la r�gion que le gouvernement burundais oppose une r�sistance farouche au processus d'Arusha. Les chefs d'Etat de la r�gion sont convaincus que les forces r�actionnaires du Burundi ne veulent pas n�gocier et qu'elles participent au processus sans y croire ou tentent de le manipuler en posant des conditions impossibles. La multiplicit� des initiatives cherchant � impliquer d'autres intervenants ext�rieurs et d'autres lieux de n�gociations est suspecte d'�tre une manoeuvre de diversion. Pour cette raison, les pays de la r�gion persistent � dire que les n�gociations doivent avoir lieu � Arusha et non ailleurs. De m�me, le m�diateur est convaincu que cette m�me minorit� cherche � bloquer le processus en d�non�ant sa partialit�. En le rendant responsable du blocage de la situation, elle ne cherche qu'� d�placer le conflit volontairement et � saboter le processus de paix. Il rappelle que les deux parties au conflit �taient d'accord pour choisir sa m�diation. Son attitude de d�nonciation du g�nocide au Rwanda avait fait esp�rer aux Tutsi que la m�diation de Nyerere leur serait favorable. Aujourd'hui, les Hutu du Rwanda le traitent de "pro tutsi" alors que les Tutsi du Burundi ont fini par le qualifier de "pro hutu". Cette conviction explique l'attitude r�solue des pays de la r�gion � ne pas c�der au chantage et � ne pas lever l'embargo. L'autre point d'incompr�hension et de d�saccord fondamental sur la vision du pouvoir entre le Burundi et ses voisins concerne l'introduction de la d�mocratie par le pr�sident Buyoya en 1993. En introduisant la d�mocratie dans la r�gion le premier, le pr�sident Buyoya c�dait aux exigences occidentales et notamment � celle de la France, exprim�e lors de la conf�rence de la Baule en 1990 par le pr�sident Mitterrand, et cr�ait un pr�c�dent que les autres pays seraient oblig�s de suivre. Or, il faut souligner que dans l'ensemble le discours panafricaniste des Etats de la r�gion critique l'arrogance occidentale qui oblige le monde entier � adopter un syst�me d�mocratique que le pr�sident Museveni qualifie de "cosm�tique" 10. Ce dernier a, en janvier 1998 11, publiquement �voqu� la p�riode de colonisation comme le germe de l'id�ologie du g�nocide. Le comble pour les leaders de la r�gion est de voir non seulement Pierre Buyoya introduire la d�mocratie en cavalier seul mais revenir au pouvoir apr�s avoir �t� battu par le FRODEBU. En 1993, le pr�sident Museveni aurait d�conseill� � Buyoya d'organiser des �lections, lui aurait pr�dit sa d�faite et recommand� sa propre formule de gouvernement : un Etat fort et dirigiste au nom du projet de croissance �conomique et d'exigences s�curitaires, un syst�me �voluant graduellement d'un gouvernement autoritaire � une formule plus inclusive et consensuelle s'appuyant sur une Assembl�e sans partis. Selon lui, tant qu'une classe moyenne avec des int�r�ts politiques nationaux clairs n'est pas form�e, les partis deviennent des factions tribalistes aux mains d'�lites luttant pour le pouvoir. Il appelle son r�gime une "d�mocratie sans partis" 12 et consid�re que le gouvernement du pays doit faire bloc derri�re un leader tant que le transfert du pouvoir ne peut se faire de fa�on douce.En attendant cette maturit� politique du pays, il consid�re que toutes les �nergies doivent �tre canalis�es dans un projet de d�veloppement �conomique. Lui-m�me, au pouvoir depuis 10 ans n'a �t� �lu pour la premi�re fois qu'en mai 1996, � peine trois mois avant que le major Buyoya ne prenne le pouvoir par la force. Se r�f�rant � cette culture du maquis, une th�se circule dans la r�gion selon laquelle Buyoya aurait mieux fait de cr�er une gu�rilla en 1987 et d'�voluer vers ce type de formule. Il aurait ainsi rassembl� nombre de Hutu m�contents du r�gime Bagaza derri�re lui et gagn� la l�gitimit� d'un combat contre une dictature. Malgr� ces divergences d'approche sur l'introduction de la d�mocratie, le mod�le que la r�gion propose pour le Burundi ne semble finalement pas si loin de la formule mise en place par Buyoya lui-m�me entre 1987 et 1993. Un mod�le rationnel sugg�r� par certains pour le Burundi serait de partager les hautes fonctions ex�cutives entre Hutu et Tutsi, en nommant, par exemple, un pr�sident hutu et un vice-pr�sident tutsi comme au Rwanda, mais en revenant � terme au syst�me de la majorit� et aux r�sultats des �lections de 1993. Lors de son premier passage au pouvoir entre 1987 et 1993, Pierre Buyoya avait graduellement ouvert le pouvoir en donnant, par exemple, le poste de premier ministre � un Hutu en 1991, esp�rant mener son pays � la d�mocratie par cette politique de l'unit�. Pour t�moigner d'une certaine convergence de vues entre Pierre Buyoya et le m�diateur, on peut rappeler qu'avant la prise du pouvoir du 25 juillet 1996, le pr�sident Nyerere avait en r�alit� confiance dans la volont� de r�forme de l'ancien pr�sident du Burundi et le consultait r�guli�rement. Malgr� sa d�ception de le voir se compromettre dans un nouveau coup d'Etat de l'arm�e, il a voulu d'une certaine fa�on lui accorder un espace de manoeuvre au d�part et lui laisser une chance de r�former le syst�me de l'int�rieur. Approche politique adopt�e par les pays de la r�gion : les n�gociations, un objectif prioritaire En acceptant de jouer les m�diateurs au Burundi, Nyerere a dessin� une ligne directrice claire faisant, pour la premi�re fois, des n�gociations entre toutes les parties au conflit l'objectif prioritaire. Cet objectif marquait un tournant dans l'approche internationale, qui avait jusqu'alors �t� de soutenir le centre et les mod�r�s, en favorisant des solutions de partage du pouvoir excluant les extr�mistes. Pour atteindre cet objectif de n�gociation avec le CNDD, les pays de la r�gion ont soutenu une approche de confrontation avec le r�gime militaire domin� par les Tutsi. S'inscrivant dans une logique de rendre le "co�t du pouvoir" �lev� pour l'arm�e, on peut faire l'hypoth�se que l'embargo comportait plusieurs sous-objectifs :
Pour les chefs d'Etat de la r�gion, la pression de plus de deux millions de r�fugi�s et de personnes d�plac�es 14 ainsi que la menace militaire engendr�e par les activit�s d'une quinzaine de groupes arm�s pr�sents dans la r�gion rendent urgente la n�cessit� de trouver une solution aux probl�mes de la s�curit� r�gionale. Face � l'effet de domino et � l'effet de vases communicants des conflits dans cette r�gion, la logique s�curitaire a provoqu� soit l'intervention militaire, soit la m�diation de ces pays : Rwanda, Ouganda, Tanzanie, Kenya, Erythr�e, Ethiopie, Angola, Zambie, Soudan, Afrique du Sud, Gabon etc. Cette prise de responsabilit� d�coule du niveau de cr�dibilit� extr�mement faible de la communaut� internationale dans la r�gion des Grands Lacs. Sa d�fection au moment du g�nocide rwandais et son inertie face � la sanctuarisation des camps de r�fugi�s comme bases militaires pour les ex-FAR au Kivu ont conduit les leaders r�gionaux � en attendre le minimum. Dans les pays d'Afrique orientale et centrale se trouvent les troupes parmi les mieux entra�n�es et les plus op�rationnelles du continent. Renverser le pr�sident Mobutu dans l'ex-Za�re, consid�r� par ses pairs comme nuisible � la stabilit� de la r�gion, a constitu� une entreprise militaire collective peu classique, men�e par une alliance multinationale compos�e de Rwandais, d'Ougandais, de Congolais, d'Angolais et de Burundais. 15 Au nom de la s�curit� et de la stabilit� r�gionales, l'ing�rence des Etats voisins dans l'ex-Za�re a �t� l�gitim�e. L'op�ration de l'Alliance des Forces D�mocratiques pour la Lib�ration du Congo (AFDL) au Kivu prouve que la notion de d�fense a �t� remplac�e par une notion de s�curit� au sens large : la fronti�re entre s�curit� externe et interne s'efface au profit d'une logique d'action polici�re r�gionale. Il faut rappeler que c'est le gouvernement du Burundi qui a fait appel aux chefs d'Etat de la r�gion en demandant une assistance militaire r�gionale en juin 1996. Mais il semble qu'apr�s le succ�s de l'op�ration dans l'ex-Za�re, la nouvelle alliance ait d�cid� que le r�gime du Burundi, qui semble faire cavalier seul et r�sister � l'agenda panafricaniste et s�curitaire de ses voisins, �tait le prochain facteur de d�stabilisation � �liminer. Dans ce contexte, le choix des sanctions � l'encontre du Burundi �tait une alternative � l'usage de la force. Les plans d'intervention r�gionale au Burundi avaient d'ailleurs d�j� �t� discut�s. Ils pr�voyaient une force compos�e de contingents tanzaniens, ougandais et �thiopiens sous commandement tanzanien. Le choix des sanctions a �t� le fruit d'un compromis n�goci� entre les leaders de la r�gion. Comme mentionn� ci-dessus, il a �t� vraisemblablement en partie dict� par l'exp�rience de Julius Nyerere en Afrique du Sud, par son ambition personnelle de reconnaissance de "sage", mais aussi, il faut le souligner, par sa confiance initiale en la volont� de r�forme de Pierre Buyoya. Etant donn� l'enjeu que repr�sente le Burundi pour la s�curit� de la r�gion, la menace d'une intervention militaire r�gionale reste une possibilit� � ne pas exclure. Au sortir du sommet de Kampala, le pr�sident Museveni ne l'a pas cach�. Selon lui, il n'y a que deux moyens de faire plier le gouvernement du Burundi : les sanctions ou la force. Avec une population de 6 millions d'habitants, une arm�e importante et bien entra�n�e, une r�bellion active, des mouvements de centaines de milliers de personnes � chaque vague de violence, le Burundi constitue un �l�ment cl� de la stabilit� r�gionale. En particulier, pour le Rwanda, le Burundi est un �l�ment d�stabilisateur, mais pour deux raisons diff�rentes : la premi�re est qu'avec la reprise de la guerre au nord-ouest du pays, les Rwandais n'ont aucun int�r�t � voir perdurer la r�bellion au Burundi et � voir s'ouvrir un autre front au sud de leur pays. Les preuves d'une coop�ration grandissante entre les rebelles burundais et les ex-Forces Arm�es Rwandaises (ex-FAR) et Interahamwe pourraient amener le gouvernement rwandais � se rapprocher nettement du Burundi. Depuis d�but 1996, les deux arm�es ont conduit des op�rations conjointes dans le nord du Burundi, et collabor� � diff�rentes occasions notamment au moment de l'offensive sur les camps de r�fugi�s rwandais au Kivu fin 1996. Le Rwanda ne peut se permettre de voir s'affaiblir l'arm�e burundaise. Dans sa strat�gie par rapport � l'embargo, l'int�r�t s�curitaire du Rwanda pourrait primer sur les consid�rations de collaboration r�gionale avec la Tanzanie et l'Ouganda. Toutefois, l'�volution de la situation au Kivu apporte un �l�ment nouveau qui pourrait encore modifier la strat�gie du Rwanda et son attitude vis-�-vis du Burundi. L'infiltration du Kivu par les ex-FAR, les Interahamwe et leur collaboration avec les rebelles burundais venant de Tanzanie et les milices congolaises comme les Mai-Mai rendent difficile le contr�le de la r�gion par le gouvernement de la RDC et font peser une menace sur l'�clatement de cet immense pays. R�cemment, les violations des droits de la minorit� Banyamulenge dans le Kivu ont accru les tensions et remis � l'ordre du jour la possibilit� d'une mobilisation arm�e de ce groupe. Pour assurer la s�curit� dans le Kivu, le Rwanda aurait int�r�t � chercher une collaboration militaire avec le Burundi. Mais accro�tre le contr�le rwando-burundais sur le Kivu signifie aussi mettre le gouvernement de Kabila dans une position politique difficile. Or, depuis l'arriv�e au pouvoir de Kabila, le gouvernement du Burundi a pu compter sur un soutien inconditionnel du gouvernement congolais, qui s'est publiquement d�solidaris� de la position r�gionale. Le Burundi aura peut-�tre aussi � choisir entre sa s�curit� et ses alli�s politiques. Le second facteur d'ins�curit� que repr�sente le Burundi pour le Rwanda est son �volution politique. Si le Burundi, sous les pressions de la r�gion et de la communaut� internationale, doit �voluer vers un mod�le d�mocratique ou de partage de pouvoir, le Rwanda pourrait voir son propre mod�le remis en question � terme. Encore une fois, l'exemple du Burundi cr�erait un pr�c�dent dans la r�gion, et la communaut� internationale pourrait demander au Rwanda de le suivre. De plus, pour le Rwanda, un gouvernement � majorit� hutu ayant un plus grand contr�le sur l'arm�e, risque de ne pas repr�senter un alli� militaire aussi fiable qu'un gouvernement � majorit� tutsi. Pour les leaders de la r�gion, la question de la s�curit� est li�e � la question �conomique et devrait se r�soudre id�alement dans un espace de libre circulation des biens et personnes. Redessinant la carte d'Afrique pr�coloniale 16, ce grand march� commun aurait pour avantage de diminuer la pression de la surpopulation sur les ressources naturelles du Burundi et d'�viter les flux de population incontr�l�es dans les pays voisins. Des structures fonci�res � l'�chelle r�gionale permettraient d'accueillir des migrants en qu�te de terre et de mettre en valeur des terres inexploit�es au niveau r�gional. Enfin et surtout, la libre circulation des personnes et des biens permettrait la cr�ation d'un grand march� r�gional propice � l'int�gration de l'Afrique centrale dans les �changes mondiaux. Ce type de consid�ration �conomique figurait parmi les motifs de l'op�ration de l'AFDL au Kivu. En effet, les pays de la r�gion ont besoin d'un r�gime favorable au Congo dans l'espoir d'une collaboration en mati�re de recherche p�troli�re et mini�re et de construction d'un r�seau routier et d'un r�seau ferroviaire transcontinentaux. La construction d'un chemin de fer financ� par l'Afrique du Sud partant du Cap et allant � Kampala, en passant par Pr�toria, Kinshasa, et Lumumbashi est d�j� en projet. T�moin de ces ambitions, des soci�t�s d'exploitation mini�re de la r�gion ont ouvert r�cemment des bureaux � Kisangani, Lumumbashi et dans le Kivu. Autre signe, depuis l'arriv�e au pouvoir de Kabila, l'Ouganda a d�laiss� progressivement le port de Mombasa au Kenya pour celui de Matadi au Congo pour ses �changes commerciaux. De par sa position pr�s du lac Tanganyika et du Kivu, le Burundi repr�sente un double enjeu g�opolitique et �conomique pour la r�gion. 10 % des importations rwandaises passent par le port de Bujumbura en provenance de la Tanzanie. Dans leur strat�gie de d�veloppement r�gional, l'Ouganda et la Tanzanie souhaitent renforcer l'axe Kampala-Pr�toria et se positionner comme une plaque tournante du commerce avec l'Afrique du Sud. Cet axe passe n�cessairement par le lac Tanganyika. Pour l'Ouganda, la Tanzanie et le Rwanda, l'acc�s au lac par le Burundi est par cons�quent vital. De par sa situation g�ographique pr�s du Kivu, une des sources de richesses essentielles de la r�gion, le Burundi pourrait avantageusement devenir un centre important du transit r�gional. Dot� d'un port et d'un a�roport situ� � quelques kilom�tres du lac, il pourrait approvisionner les pays voisins en produits import�s, particuli�rement en provenance d'Afrique du Sud. Les entreprises sud-africaines ont d�j� manifest� un grand int�r�t � s'implanter en Afrique centrale. Le d�veloppement des �changes entre le Burundi et l'Afrique du Sud, malgr� l'embargo, laisse entrevoir qu'un lien privil�gi� pourrait se cr�er entre les deux pays. On pourrait envisager le renforcement de la position commerciale du Burundi par la cr�ation de zones franches et d'un port franc, comme cela a �t� le cas sous le premier mandat de Buyoya. Cependant, si cette politique �conomique �tait mise en place sans renforcer la coop�ration r�gionale, le r�le de l'Ouganda, de la Tanzanie, du Rwanda dans le commerce r�gional s'en trouverait marginalis�. De plus, contrairement � l'id�e re�ue depuis l'�poque de la colonisation, le Burundi dispose de ressources naturelles non n�gligeables, � savoir du nickel, du p�trole et du gaz. Ces ressources pourraient constituer un moteur de croissance �conomique et de d�veloppement d�s que le Burundi sera politiquement stabilis�. Une �tude sur les probl�mes sismiques dans le lac Tanganyka et le lac Malawi, effectu�e par la U.S National Science Fondation et financ�e par Elf Aquitaine et Mobil Corp. en 1981, a identifi� un gisement important de p�trole dans le lac Tanganyika 17. La situation du Burundi depuis lors a �t� jug�e trop instable pour entreprendre les investissements n�cessaires en vue de son exploitation.
Il semble que le choix de la force dans l'ex-Za�re et la menace de l'employer au Burundi se situent dans la droite ligne de l'intervention de l'ECOMOG au Lib�ria et en Sierra L�one. L'ECOMOG a �t� envoy� au Lib�ria en 1990 par les leaders de l'Afrique de l'Ouest pour tenter de mettre fin au chaos et � l'anarchie dominant le pays. Au terme de sept ans de pr�sence, l'ECOMOG a pu surveiller l'organisation d'�lections d�mocratiques amenant au pouvoir Charles Taylor. Cette premi�re exp�rience a encourag� les leaders de l'Afrique de l'Ouest � envoyer l'ECOMOG en Sierra L�one pour y chasser une junte militaire ill�gitime du pouvoir et y r�instaurer la d�mocratie. Les pays de la r�gion des Grands Lacs ont vu, dans la crise burundaise, une occasion de prouver leur capacit� � assurer la s�curit� r�gionale et de prouver que les probl�mes africains peuvent �tre r�gl�s par des Africains. Lors de l'op�ration "Za�re", le Rwanda, l'Ouganda et la Tanzanie ont fait un lobbying efficace aupr�s de la communaut� internationale pour la convaincre que cette offensive �tait men�e au nom de la stabilit� r�gionale et de la "bonne gouvernance". La r�ussite de cette op�ration laissait esp�rer aux chefs d'Etat de la r�gion un soutien international. Les plans d'intervention r�gionale au Burundi, �labor�s au printemps 1996 lors de la demande d'assistance militaire du gouvernement burundais, avaient en effet re�u la caution de la communaut� internationale. En �change de leur participation � cette force, la Tanzanie, l'Ouganda et l'Ethiopie devaient recevoir une contrepartie financi�re et de nouveaux �quipements militaires. La Tanzanie et l'Ouganda gagnaient aussi un sursis dans l'application du plan d'ajustement structurel impos� par la Banque mondiale et le Fonds Mon�taire International qui pr�voyait la d�mobilisation � courte �ch�ance d'une partie de l'arm�e. La m�diation dans le conflit burundais repr�sente un retour sur le devant de la sc�ne de la Tanzanie et du pr�sident Nyerere. Depuis que le pr�sident Nyerere a quitt� le pouvoir en 1985, son successeur s'�tait concentr� sur des probl�mes internes et avait accord� moins d'attention � la sph�re d'influence ext�rieure de la Tanzanie. L'�lection � la pr�sidence de la Tanzanie de Benjamin Mkapa, issu du Chama Cha Mapinduzi, le propre parti de Nyerere, a favoris� le retour de ce pays sur la sc�ne internationale. Le succ�s de cette politique se mesurera peut-�tre par la r�ussite de la m�diation tanzanienne au Burundi et l'accroissement de sa zone d'influence �conomique. Le r�le cl� de l'Ouganda, dans la m�diation r�gionale, s'explique par son ambition g�ostrat�gique et politique. La mont�e en puissance de l'Ouganda a commenc�, vers la fin des ann�es 80, avec l'arriv�e au pouvoir de Yoweri Museveni. Exploitant la strat�gie anti-terroriste am�ricaine face au r�gime libyen et au nouveau r�gime fondamentaliste soudanais, le pr�sident Museveni a fait de son pays un rempart contre cette menace. Puis il a aid� les r�fugi�s rwandais, qui s'�taient battus � ses c�t�s dans la National Resistance Army, � �tablir la base arri�re du Front Patriotique Rwandais en Ouganda � partir de 1990. Devenant incontournable, Museveni a �vinc� Mobutu, dont le r�le r�gional d�clinait depuis le d�but du processus de paix en Angola en 1991 et qui surtout �tait de moins en moins capable de g�rer les tensions internes du Za�re, au point de l'isoler sur la sc�ne internationale. A la faveur de la France, le pr�sident Mobutu est revenu sur le devant de la sc�ne, de 1994 � 1996, comme interlocuteur de la communaut� internationale sur les questions des camps de r�fugi�s rwandais. Il a �t� d�finitivement balay� par l'offensive des arm�es rwandaise, ougandaise et burundaise � l'est du Za�re.
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